dimanche 23 juillet 2017

En ces temps-ci où l'on parle d'un cimetière musulman à Québec, il est intéressant de noter que ce n'est pas la première fois qu'il y a dans le Nord-est du Québec une dispute à ce sujet.

Voici un extrait d'un travail que j'ai rédigé au baccalauréat dans un cours d'histoire du SLSJ donné par Gérard Bouchard. Le titre de l'essai était "Les Frères chrétiens au Saguenay-Lac-Saint-Jean : leur implantation, leur croissance et les implications d’une vie à contre-courant entre 1932 et 1970"

Recourir à des structures anglophones : les cimetières et les écoles

Alors que le divorce était bien consommé entre les habitants du Grand Rang et l’Église catholique, les Frères chrétiens de Girardville devaient vivre dans un univers parallèle, car les catholiques refusaient de fraterniser avec eux. Cela se répercute concrètement en ce qui a trait à l’enterrement des morts et à l’éducation.
Dans les années 30, un chrétien de l’assemblée de Girardville, M. Arthur Fortin, décéda, ainsi qu’un bébé. Un cimetière avec charnier avait été établi, mais le permis d’inhumation n’avait pas encore été émis. Alors, on fit une demande d’inhumation à la municipalité de Girardville, mais celle-ci refusa de permettre l’inhumation de M. Fortin dans le cimetière catholique[i]. Un autre refus fut essuyé au cimetière protestant de Dolbeau et les habitants du Grand Rang durent finalement se rendre jusqu’au cimetière protestant de Pointe-Bleue, à «environ cinquante milles de Girardville»[ii]. Edgar Doucet rapporte d’ailleurs que certains membres du clergé, à propos du cimetière des Frères chrétiens, disaient «que nous avions donné les corps comme nourriture aux renards (car mon père gardait des renards); d’autres disaient que nous les avions enterrés dans le tas de fumier en arrière de la grange»[iii]. La controverse de l’enterrement des morts cessa après la première inhumation, après que le maire de l’époque s’informa pour faire déterrer M. Fortin, mais qu’il eut appris auprès d’un avocat que les Frères chrétiens du Grand Rang étaient dans leur droit[iv].
Un ensemble de procès-verbaux du Arvida Protestant Cemetery Association inc. fut trouvée dans les archives de l’Église évangélique de Chicoutimi. Ces procès-verbaux remontaient jusqu’en 1960 (l’organisme a cependant commencé à exister en 1931), et à cette date un représentant de l’Église des Frères chrétiens d’Arvida faisait partie du comité du cimetière. Ainsi, les franco-protestants du Saguenay n’eurent pas de difficultés avec l’inhumation de leurs morts puisqu’ils pouvaient faire affaire avec les cimetières protestants. Cependant, soulignons que même dans la mort, les franco-protestants du Saguenay-Lac-Saint-Jean étaient séparés de leurs voisins et de leurs familles et qu’ils devaient mourir «en parallèle» à la société.



[i] Yves Petelle, (2002). Pionniers de l’Évangile au Québec : assemblée évangélique de Girardville 75 ans d’histoire et de souvenirs, Jonquière, éditions de la sentinelle, p. 57.
[ii] Edgar Doucet, Op. Cit., p. 27.
[iii] Ibid., p. 27.
[iv] Ibid.

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