Voici un article intéressant de
Sébastien Lévesque, l'un de mes anciens profs de philo au cégep de Jonquière:
https://www.lequotidien.com/chroniques/sebastien-levesque/le-christianisme-est-un-humanisme-2d16abfe04bb90bf4fca6bc7afb9f196
https://www.lequotidien.com/chroniques/sebastien-levesque/le-christianisme-est-un-humanisme-2d16abfe04bb90bf4fca6bc7afb9f196
Dans sa chronique, M. Lévesque avance que nous, les
Occidentaux, sommes tellement accoutumés aux valeurs de notre héritage chrétien
qu'on les prend pour acquis sans reconnaitre leur origine. On est comme des
poissons qui sont surpris de se faire demander "comment trouvez-vous votre
eau?", ne réalisant pas que c'est ce que l'on respire. En effet, des
choses comme la société de droit, les valeur inaliénable de la vie humaine, les
droits universelles, les hôpitaux, le soin des pauvres, les hospices, la trajectoire vers l'égalité, le rejet de
la violence et la norme de la fidélité amoureuse. En ce sens, M. Lévesque fait
réaliser à ces étudiants, qui en sont surpris, leur grande dette envers toute
la tradition chrétienne. Ceux-ci ignorent que l'eau dans laquelle ils nagent
provient du Christ, la source d'eau vive! L'article de M. Lévesque est donc
nuancé et fascinant, mais j'aimerais apporter quelques commentaires quant à son
titre et son dernier paragraphe.
L'article s'intitule "le Christianisme est un
humanisme," mais l'humanisme n'est pas défini (ce n'est pas
un blâme, ce serait fort ennuyeux pour une chronique de cette taille). Je vais
présumer que par humanisme, M. Lévesque voulait dire quelque chose comme une
philosophie qui rend les choses plus humaines, plus supportable pour
l'humanité.
Je cite ici son dernier
paragraphe: "Dans l’éthique du Christ, l’être humain occupe donc une
place centrale. Le salut dont il nous parle n’est d’ailleurs pas autre chose
qu’un appel à aimer son prochain et à aller vers les plus défavorisés. C’est
précisément ce qui fait du christianisme un humanisme. Autrement dit, c’est
dans la relation à l’autre que la morale chrétienne prend tout son sens, non
dans l’accomplissement de certains rituels religieux. C’est aussi pourquoi le
message du Christ n’appartient pas qu’aux chrétiens à proprement parler, mais à
tous ceux qui rêvent d’un monde où l’amour et la compassion seraient au cœur
des relations humaines."
Effet de ricochet |
Ce que je souhaite commenter dans son paragraphe, c'est la
fâcheuse tendance à divorcer l'éthique de la foi. On ne peut constater les
ondulations de l'eau qu'après avoir lancé une pierre dans un étang; on ne peut
pas avoir les effets de quelque chose sans en accepter la cause première. La
cause du christianisme, c'est la croyance en la résurrection du Fils de Dieu --
Dieu a précipité la fin des temps et par la croyance dans la mort,
l'ensevelissement et la résurrection de Jésus les chrétiens sont pardonnés de
leurs péchés, réconciliés à Dieu et équipés pour être des agents de
réconciliation, pour vivre comme s'ils vivaient déjà dans le Royaume de Dieu
(bref, vivre 'l'éthique chrétienne' du sermon sur la montagne et du Nouveau
Testament).
Quand M. Lévesque écrit "Le salut dont
il nous parle n’est d’ailleurs pas autre chose qu’un appel à aimer son prochain
et à aller vers les plus défavorisés," il fait donc erreur car il
réduit le Christianisme à l'UN de ses effets, c'est-à-dire le devoir du
chrétien de se tourner vers les autres. Il s'agit d'une erreur fondamentale car
en détachant le Christianisme de sa cause première (le message de mort à
soi-même du Christ par lequel on obtient paradoxalement sa vie) il met en péril
la pérennité de ses effets, l'éthique chrétienne.
Lorsque M. Lévesque dit " c’est
dans la relation à l’autre que la morale chrétienne prend tout son sens, non
dans l’accomplissement de certains rituels religieux." Il y a ici une fausse dichotomie. Nous sommes ce que nous
aimons, ce que nous adorons. Si ce que j'adore le dimanche c'est un Jésus
compatissant et crucifié pour l’amour du monde, alors je serai compatissant. Si
ce que j’adore le dimanche matin c’est un Jésus blanc et xénophobe, alors je
serai un suprémaciste blanc. Si ce que j'adore tout le long de la semaine c'est
mon compte en banque ou mes loisirs, alors je serai nombriliste. Les êtres
humains, avant d'être des philosophes, sont des amoureux, des adorateurs. Dis-moi
ce que tu adores et je te dirai comment tu vies.
Quand M. Lévesque dit "C’est aussi
pourquoi le message du Christ n’appartient pas qu’aux chrétiens à proprement
parler, mais à tous ceux qui rêvent d’un monde où l’amour et la compassion
seraient au cœur des relations humaines." Pour profiter des effets du
message du Christ (les ondulations de l'eau), il faut recevoir la bonne
nouvelle (la pierre dans l’étang). On pourrait me répondre à juste titre que
l'amélioration des conditions de vie dans la société est menée de l'avant par
une majorité de non-chrétiens de nos jours et donc que la morale n'est pas le
bien unique des chrétiens. Tout-à-fait, c'est vrai! Mais je souhaiterais
gratter plus loin, puisque M. Lévesque a parlé du "message du Christ."
Way of the Cross - Ted Degrazia |
C'est là où je veux discuter de son titre, "Le christianisme est un humanisme." Je dirais qu'un christianisme réduit et minimisé est un
humanisme, mais je ne dirais pas du tout que le christianisme est un humanisme.
L'enseignement de Jésus va beaucoup plus loin "qu’un appel à aimer son prochain et à aller
vers les plus défavorisés." Pour Jésus, le problème
fondamental de l'être humaine est celui du cœur: "Car c'est du
dedans, c'est du cœur des hommes, que sortent les mauvaises pensées, les
adultères, les débauches, les meurtres, les vols, les cupidités, les
méchancetés, la fraude, le dérèglement, le regard envieux, la calomnie,
l'orgueil, la folie. Toutes ces choses mauvaises sortent du dedans, et
souillent l'homme." (Évangile de Marc 7, 21-23). Pourquoi Jésus
est-il venu sur Terre? Non pas pour prêcher une nouvelle moralité (ce serait
revenu à mettre une nouvelle peinture sur une maison pourrie), mais, selon ses
propres mots: "Ce ne sont pas ceux qui se portent bien qui ont
besoin de médécin, mais les malades. Je ne suis pas venu appeler des justes,
mais des pécheurs" (Évangile de Marc 2, 17). Jésus a un problème
avec les gens qui se croient assez bien, car ce sont précisément ceux-là qui
refusent de faire face au problème de leur cœur, au problème du péché. Jésus
est venu pour guérir nos cœurs du péché, pour nous réconcilier à Dieu en
portant à notre place nos péchés: "car le Fils de l'homme [Jésus]
est venu, non pour être servi, mais pour servir et donner sa vie comme la
rançon de beaucoup" (Évangile de Marc 10, 45). Jésus est
ressuscité, ayant brisé le pouvoir de la mort. Jésus invite tous ceux qui
veulent être pardonnés de leur péché et qui veulent être sauvés à placer leur
foi en lui et à eux-aussi porter leur croix: "Si quelqu'un veut
venir après moi, qu'il renonce à lui-même, qu'il se charge de sa croix, et
qu'il me suive. Car celui qui voudra sauver sa vie la perdra, mais celui qui
perdra sa vie à cause de moi et de la bonne nouvelle la sauvera"
(Évangile de Marc 8, 34-35). Le message du pardon des péchés de la résurrection
n'est pas déconnecté du soin des pauvres et de l'amour du prochain; il en est la
base, le moteur et la cause sine qua non pour que le
Saint-Esprit transforme radicalement la vie de l'individu qui se repent et confesse Jésus comme Seigneur.
Pour les disciples de Jésus, la question n’est pas si la moralité et les bonnes
œuvres sont importantes; la question est d’où est-ce que la moralité et les
bonnes œuvres proviennent? En minimisant le christianisme, on peut en faire un humanisme, mais en faisant cela on passe à côté de sa puissance révolutionnaire, celle d'un cœur changé.
Encore une fois merci à M. Lévesque pour son article juste et
stimulant. J’ai apprécié le lire et dialoguer avec celui-ci.
Grâce et Paix,
Marc-André