La fois où j’ai réalisé que
mes potes et moi on ne parlait pas en « Québécois »
Une de ces
fois j’étais dans un événement d’évangélisation au Québec et j’écoutais la
prédication d’un de mes potes (avec un public composé de non-croyants). Le
message était très bon et très classique, néanmoins ce qui m’a frappé, c’est de
réaliser l’énorme fossé épistémologique entre le chrétien et l’auditoire de
non-croyants (excusez-moi l’expression... en bref l’épistémologie étant l’étude
de « comment on sait quelque chose », un fossé épistémologique serait
l’espace séparant deux personnes qui obtiennent leurs connaissances dans des
endroits différents). Pour le chrétien, l’autorité de la Bible est
incontestable et c’est sous le point de départ de l’autorité de Dieu véhiculée
au travers des Écritures qu’il modèle sa vie. Il s’y soumet avec joie.
L’auditeur contemporain a pour point de départ l’impossibilité de connaitre
objectivement les vérités en dehors du monde physique. Il ne reconnait pas
l’autorité de la Bible. Ainsi dans une présentation de l’évangile, l’exposition
des Écritures est dans un genre d’impasse, un face à face avec la vision du
monde postmoderne.
Mon plan de carrière
Il me semble
qu’il y a à l’intérieur de moi deux modes de pensée qui sont en dialogue
perpétuel. D’un côté, je suis un produit de mon époque, je pense
instinctivement comme les jeunes québécois: les affirmations dogmatiques comme
« connaitre le seul vrai Dieu » me troublent au plus haut point.
Comment peux-tu prétendre savoir? Néanmoins pour une multitude d’autres
raisons, le verbe vivant de Dieu vie puissamment en moi et je ne peux rien
faire d’autre que me laisser porter par ses élans.
Si je pense à
une carrière, ce serait de rencontrer les Québécois à mi-chemin avec
l’évangile, dans un langage qu’ils peuvent comprendre. Donner aux Québécois une
occasion honnête d’interagir avec l’évangile pour ce qu’elle est et pouvoir
l’accepter ou la refuser en toute connaissance de cause.
Prêcher en français au
Québec, mais ne pas être compris
Je suis
convaincu que le Dieu trinitaire est la réponse à tous les désirs et les
questionnements humains. Les enseignements de la Bible ne sont pas vrais parce
qu’ils sont dans la Bible, mais ils sont dans la Bible parce qu’ils sont vrais.
Néanmoins au Québec, nous sommes dans une culture où la Bible n’est pas la
réponse, mais la question (et même une question assez marginale).
L’idée de
« traduire la Bible en Québécois » connote l’idée d’être capable de
communiquer le message aux non-croyants dans un langage qu’il leur est possible
de comprendre et avec un point de départ sur lequel ils sont d’accord. Cette
idée est poussée par une réalisation navrante: ce que l’on connait dans la
culture populaire sur Jésus et sur Dieu est méprisable. La mémoire collective
québécoise sur l’Église catholique est une autre raison de demeurer dans un
vide religieux. Il y a aussi dans l’air plusieurs caricatures sur ce qu’est un
chrétien et un genre de cynisme avec l’amalgame que l’on peut faire avec
l’ignorantisme de certains mouvements et l’équation chrétien = droite
religieuse dangereuse.
Avant même
d’aborder la conversation sur Christ, il y a plusieurs barrières à la
conversation. Par exemple, en parlant de péché, le chrétien aura en tête un
concept intelligible et meublé d’une certaine façon, tandis que le contemporain
aura en tête une idée reçue de ce qu’est le péché, par exemple « la
masturbation rend sourd parce que c’est un péché » ou « les Pokémons c’est
un péché ». Là où le chrétien croira détenir un point valide, le fossé de
communication entre les positions conduira le contemporain à rejeter son
message, sans nécessairement l’avoir considéré.
Je dirais que
c’est peut-être même normal que l’évangile soit rejetée par les Québécois parce
que le message est articulé d’une façon qui est à des années lumières de leur
mode de pensée. Je le sais, parce que je pense pareil.
Rencontrer les Québécois à
mi-chemin
Ainsi, le
chrétien est un peu pris entre l’arbre et l’écorce. D’un côté, il veut
proclamer l’évangile du Christ, mais de l’autre côté lorsqu’il le fait il est
accueilli par ses interlocuteurs avec des regards sceptiques comme si il ne
parlait pas le même langage. Citer Jean 3:16 pour un chrétien c’est faire appel à la plus
haute autorité, néanmoins quand un non-chrétien se fait citer Jean 3:16 ça ne lui évoque rien,
sinon qu’une phrase dont la véracité demeure à être prouvée, ce qui n’aide pas
la conversation à progresser.
Ce qui
m’amène à la question suivante : comment le prédicateur contemporain
doit-il engager son monde? Personnellement, il me semble que la conversation
doit commencer sur une fondation commune, avec un vocabulaire commun et des
questions communes, et de là progresser vers Christ, qui invariablement se
présentera comme la réponse aux désirs profonds qui sont l’objet de chacun
d’entre-nous. Le point de départ de la conversation doit changer. Le seul vrai
point de départ à lequel je peux penser présentement, c’est que tous les humains
sont... humains. Et dans le tissu de nos êtres, je crois que l’on retrouvera
ces panneaux indicateurs qui convergent mystérieusement dans une certaine
direction... vers Dieu.
Une autre
avenue me semble être de dé-théologiser le vocabulaire des chrétiens. Parle de
péché et tu vas te faire traiter de fou, mais parle de dysfonctions et tu auras
peut-être une confession. Donc tu commences « plus loin » dans ta
conversation évangélique, mais tu permets à ton interlocuteur de te comprendre
et de construire des ponts. Et en se rencontrant à mi-chemin, la Bible se met
éventuellement à faire du sens et son autorité est progressivement reconnue.
Quelqu’un de
particulièrement talentueux pour faire ceci c’est Tim Keller.
Évidemment,
il y a des choses qui ne changent pas...
« Ayez au milieu des païens une bonne
conduite, afin que, là même où ils vous calomnient comme si vous étiez des
malfaiteurs, ils remarquent vos bonnes œuvres, et glorifient Dieu, au jour où
il les visitera. »
« Aimez-vous les uns les autres; comme je vous ai
aimés, vous aussi, aimez-vous les uns les autres. A ceci tous connaîtront que vous êtes mes disciples, si
vous avez de l'amour les uns pour les autres. »
Donc être
capable de prêcher pour être compris, ce serait un peu mon « objectif de
carrière », si vous me permettez l’expression.
Si vous avez
des idées sur le sujet, n’hésitez pas à m’écrire à
<caron.marc.andre.bible@gmail.com>
(Non, je ne
veux pas faire une nouvelle traduction de la Bible et non ces idées n’affectent
pas la prédication à l’intérieur de l’assemblée, puisque la prémisse de la
prédication en assemblée c’est que le peuple de Dieu se rassemble pour se
soumettre communément à l’autorité des Écritures).
Quelques
nouvelles et requêtes de prière
- Il faisait 17 dehors dans les deux derniers jours. Mais même ici c’est inhabituel. Se promener en t-shirt dehors un 6 décembre, c’est quand même cool.
- J’entame ma dernière semaine, ma semaine d’examen. Ensuite je serai au Québec du 16 décembre du 4 janvier.
- Requêtes : (1) Que je puisse finir ma session fort, (2) ma santé (petit problème d’asthme qui se résorbe lentement), (3) le temps des fêtes et les opportunités qui se présenteront et (4) ministère d’évangélisation avec CCI. Nous avons eu un de bonnes conversations aujourd’hui dans un bloc habité par des gens qui sont en réhabilitation de problèmes de toxicomanie.
Merci
beaucoup de me lire et de prier pour moi! J’ai bien hâte de vous voir à
Saguenay durant le temps des fêtes.
Marc-André
Caron
Mon cher Marc-André, j'ai un but similaire d'écrire une paraphrase du NT pour les québécois... qui sait si on y travaillera même ensemble... au plaisir mon frère ! Jean-Sébastien Morin
RépondreSupprimerSalut Jean-Sébastien!
SupprimerL'idée de "traduire" c'était plus de présenter le message de façon accessible.
Penses-tu qu'il y a un besoin au niveau du style de langue du NT ?
Au plaisir de partager un café avec toi en cette période de réjouissance. :)
RépondreSupprimer:) Certainement!
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