dimanche 8 février 2015

Il a coupé sa concubine en 12 morceaux... comment appliquer ceci à ma vie?



Mise en situation :

Outrage à Gibeah, Gustave Doré
 C’est un mardi matin. Tu te dis, pourquoi pas faire un tour dans le livre des Juges? Et puis là tu tombes sur... « Il lui dit: Lève-toi, et allons-nous-en. Elle ne répondit pas. Alors le mari la mit sur un âne, et partit pour aller dans sa demeure. Arrivé chez lui, il prit un couteau, saisit sa concubine, et la coupa membre par membre en douze morceaux, qu'il envoya dans tout le territoire d'Israël. » Alors t’es pris de sueur froide parce que tu ne sais pas trop comment t’y prendre pour « appliquer le texte à ta vie ».
T’es-tu reconnu?
Traditionnellement, on lit la Bible de façon dévotionnelle, c’est-à-dire qu’on va lire quelques versets et faire une « application ». Tout à fait louable, mais c’est comparable à écouter 5 minutes de la télésérie « Virginie » et tenter de comprendre cette scène au travers des 120 dernières saisons.
Mon propos est le suivant : la Bible est une œuvre littéraire cohérente et magnifique. Voici mes deux grosses prémisses:
-La Bible n’est pas comprise tant que ses parties ne sont pas mises en relation avec sa trame narrative.
-Tous les détails (grosso modo) des récits bibliques ont une fonction littéraire précise.
La trame narrative de la Bible
Les 2 premiers et derniers chapitres de la Bible présentent une humanité pleinement heureuse et en communion  libre avec Dieu: le monde parfait que nous sentons au fond de nos cœurs et que nous savons qui doit exister. Et entre le début et la fin, c’est le récit de l’action de Dieu pour que sa création puisse être rachetée et purgé du mal qui la trouble. En d’autres mots, la vie ici-bas est pourrie et comment est-ce que Dieu va nous sortir de là?!
Genèse chapitre 1-2 c’est la mise en situation. Ça raconte que la création est « bonne », voire même  « très bonne ». Les humains sont faits à « l’image de Dieu » (« selon l’espèce de Dieu »). Ça ne pourrait pas être mieux.
Genèse chapitre 3 c’est l’élément déclencheur qui introduit ce qui pourrie tout le reste, la rébellion de l’humanité envers Dieu. Je cite :
Le serpent était le plus rusé de tous les animaux des champs, que l'Éternel Dieu avait faits. Il dit à la femme: Dieu a-t-il réellement dit: Vous ne mangerez pas de tous les arbres du jardin? La femme répondit au serpent: Nous mangeons du fruit des arbres du jardin.Mais quant au fruit de l'arbre qui est au milieu du jardin, Dieu a dit: Vous n'en mangerez point et vous n'y toucherez point, de peur que vous ne mouriez.Alors le serpent dit à la femme: Vous ne mourrez point; mais Dieu sait que, le jour où vous en mangerez, vos yeux s'ouvriront, et que vous serez comme des dieux, connaissant le bien et le mal. La femme vit que l'arbre était bon à manger et agréable à la vue, et qu'il était précieux pour ouvrir l'intelligence; elle prit de son fruit, et en mangea; elle en donna aussi à son mari, qui était auprès d'elle, et il en mangea.Les yeux de l'un et de l'autre s'ouvrirent, ils connurent qu'ils étaient nus, et ayant cousu des feuilles de figuier, ils s'en firent des ceintures.
Alors ils entendirent la voix de l'Éternel Dieu, qui parcourait le jardin vers le soir, et l'homme et sa femme se cachèrent loin de la face de l'Éternel Dieu, au milieu des arbres du jardin. Mais l'Éternel Dieu appela l'homme, et lui dit: Où es-tu? 10 Il répondit: J'ai entendu ta voix dans le jardin, et j'ai eu peur, parce que je suis nu, et je me suis caché. 11 Et l'Éternel Dieu dit: Qui t'a appris que tu es nu? Est-ce que tu as mangé de l'arbre dont je t'avais défendu de manger? 12 L'homme répondit: La femme que tu as mise auprès de moi m'a donné de l'arbre, et j'en ai mangé. 13 Et l'Éternel Dieu dit à la femme: Pourquoi as-tu fait cela? La femme répondit: Le serpent m'a séduite, et j'en ai mangé. 14 L'Éternel Dieu dit au serpent: Puisque tu as fait cela, tu seras maudit entre tout le bétail et entre tous les animaux des champs, tu marcheras sur ton ventre, et tu mangeras de la poussière tous les jours de ta vie. 15 Je mettrai inimitié entre toi et la femme, entre ta postérité et sa postérité: celle-ci t'écrasera la tête, et tu lui blesseras le talon. 16 Il dit à la femme: J'augmenterai la souffrance de tes grossesses, tu enfanteras avec douleur, et tes désirs se porteront vers ton mari, mais il dominera sur toi. 17 Il dit à l'homme: Puisque tu as écouté la voix de ta femme, et que tu as mangé de l'arbre au sujet duquel je t'avais donné cet ordre: Tu n'en mangeras point! le sol sera maudit à cause de toi. C'est à force de peine que tu en tireras ta nourriture tous les jours de ta vie, 18 il te produira des épines et des ronces, et tu mangeras de l'herbe des champs. 19 C'est à la sueur de ton visage que tu mangeras du pain, jusqu'à ce que tu retournes dans la terre, d'où tu as été pris; car tu es poussière, et tu retourneras dans la poussière.
Il y a tellement de stocks dans ces versets, je dirais que l’ensemble de l’expérience humaine y est décrite. Le verset 15 fournit la clef de lecture pour tout ce qui va se passer dans le reste de la Bible. Ce que le verset avance c’est que l’humanité sera divisée en deux côtés : ceux qui sont fils du serpent et ceux qui sont fils de la femme. En d’autres mots, ceux qui sont en rébellion contre Dieu et ceux qui sont du côté de Dieu.
Dieu déclare sa solution au problème d’entrée de jeu: un jour un des fils de la femme blesserait mortellement le serpent. Donc dès le départ, le lecteur de la Bible sait que le portrait merdique de la vie sur Terre tel que présenté dans Genèse 3 va être transformé au travers de l’un des descendants de la femme.
Donc qu’est-ce que la Bible fait dès Gen 4? Elle trace le cheminement de la descendance de la femme. Elle est sur la piste du « fils de l’homme » qui va nous délivrer de la mort et des conditions de vie sous le soleil.
Voici ma proposition (qui vient vraiment en fait de prof Charles Baylis): tous les épisodes subséquents de la Bible doivent être compris selon le schéma de la descendance du serpent VS descendance de la femme.




Donc peu importe l’histoire lue, l’idée en arrière-plan c’est la promesse de Dieu. La promesse, c’est Gen 3 :15... un jour les troubles de l’humanité seront « tués » par la descendance de la femme. Mais la solution passe par un fils. Mais la descendance du serpent s’y oppose constamment. C’est la partie « je mettrai inimité entre toi et la descendance de la femme ».
Rapidement, ça ressemble à ça :









Le schéma suivant se répète au travers de tout l’Ancien Testament, mais tous ceux qui sont du côté de la femme échouent. Noé échoue, les patriarches échouent, Moïse échoue, les juges échouent, les rois échouent, les prêtres échouent et finalement les prophètes échouent. Personne n’est capable d’amener du repos à l’humanité.
Ce qui nous amène, bien sûr, au Nouveau Testament avec Jésus-Christ, le Dieu-Homme, le fils de l’homme et le fils de Dieu. Il est le seul qui peut amener la délivrance à l’humanité, celui qui a tué la mort à la croix.
Donc si je reviens avec mon exemple en introduction de Juges 19:28-29... comment est-ce que cette histoire peut faire du sens?
Comme n’importe quel livre, le livre des Juges est fait pour être lu en entier. Le livre des Juges présente des exemples de ce qui se passe quand « En ce temps-là, il n'y avait point de roi en Israël. Chacun faisait ce qui lui semblait bon (Juges 17 :6). » « Étrangement », c’est la même formulation que Gen 3 :6 « La femme vit que l'arbre était bon ».  Les juges étaient ces personnages que Dieu suscitait pour administrer la justice et la paix dans son peuple, mais ils furent des leaders incapables de mener le peuple sur une trajectoire de fidélité à Dieu. Le but des récits particulièrement immoraux des chapitres 17-21 c’est justement de mettre en lumière ce qui arrive quand « chacun faisait ce qui lui semblait bon ». Si je place le livre des Juges dans le schéma précédent, je mettrais la nation d’Israël au complet du côté du serpent, avec les occasionnels juges du côté de la femme... mais leurs efforts sont insuffisants et ultimement le conclusion à la fin c’est qu’il va falloir une autre solution : ce qui nous amène ensuite au livre de 1 Samuel, où cette fois-ci on s’attardera maintenant à comment les rois d’Israël s’y prendront pour mener le peuple à servir Dieu. Spoiler : ils vont échouer lamentablement. Spoiler: j’ai échoué aussi et pour être juste devant Dieu sa justice doit m’être imputée.
...
C’est dit vitement de même et je réalise que c’est difficilement appréciable sans avoir donné un exemple détaillé, mais je tâcherai d’en donner un dans les prochaines semaines.
La Bible est réellement un chef-d’œuvre littéraire. Quand on prend le temps de mettre en relation chacun des petits détails « anodins » les uns avec les autres, elle prend vie et on est émerveillé par sa sagacité et sa puissance explicative sur l’expérience humaine.
« Et son autorité m’apparaissait d’autant plus vénérable et plus digne de foi, que, s’offrant à la main de tout lecteur, elle n’en conservait pas moins dans la profondeur du sens la majesté de ses secrets; accessible par la nudité de l’expression, par l’abaissement du langage, et toutefois exerçant les cœurs les plus méditatifs; recevant tous les hommes en son vaste sein, n’en faisant passer qu’un petit nombre jusqu’à vous à travers le fin tissu de son voile, mais beaucoup plus néanmoins que si, au faite d’autorité où elle est élevée, elle ne rassemblait le genre humain dans le giron de son humilité sainte. Ainsi je méditais, et vous veniez à moi. Je soupirais, et vous prêtiez l’oreille. Je flottais, et vous me gouverniez. J’allais par la voie large du siècle, et vous ne m’abandonniez pas. »
(Saint-Augustin, Les Confessions, Livre 6)

Quelques nouvelles et requêtes de prière
  • Ma sœur Laurie a été opérée mercredi et elle récupère bien. Elle sera transférée à Chicoutimi la semaine prochaine. Priez pour mes parents qui en prennent soin et pour son rétablissement.
  • Ma discipline, l’acuité intellectuelle et la passion. Ma session est très exigeante.
  • Que mes études ne soient pas une poursuite intellectuelle stérile, mais qu’elles me poussent continuellement à croître en grâce, en humilité et en amour pour Dieu et mon prochain.

Merci de me lire, de me supporter et de prier pour moi. Vous êtes de chers amis.
Marc-André Caron

1 commentaire:

  1. Ahaha, le titre m'a fait rire! Très bon texte. C'est vrai qu'on a le réflexe de vouloir trouver des applications pratiques vite-vite, mais que parfois, il s'agit simplement de prendre du recul en s'efforçant de voir la vue d'ensemble. Merci Marc!

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