dimanche 8 mars 2015

"En grec ça veut littéralement dire..." - une intro / survol aux études de mots



Dans mon programme, il faut choisir un profil de spécialisation. J’ai décidé de choisir études du Nouveau Testament (NT) (vous pouvez voir l’ensemble des options à < http://www.dts.edu/thm/#emphases >). Le but de ce profil est d’équiper l’étudiant avec davantage d’études exégétiques (i.e. l’étude de la bible) et les autres disciplines du Nouveau Testament, comme la critique textuelle (la comparaison des manuscrits du NT afin de déterminer quelles variantes ne sont pas représentatives du texte original), les analyses littéraires et lexicales, la grammaire et la syntaxe.  Ça ne sonne pas particulièrement excitant dit de même, mais c’est tout simplement enivrant.
Un exemple d’outil pour l’étude de la Bible : les études lexicales
Je veux partager un de ces outils cette semaine : les études lexicales! Les études de mots sont parfois utilisés dans les sermons, et ça commence généralement par « dans le grec ça veut littéralement dire... ». 
Puisque nous croyons que la Parole est inspirée de Dieu, alors on s’intéressera à étudier le sens des mots pour parfaire notre lecture du texte.
Donc qu’est-ce qui fait que les mots soient difficiles à comprendre?
·         Les mots ont des « niveaux de sens » : un sens contextuel, figuratif, émotif, grammatical, encyclopédique, etc.
·         Les mots ont une portée sémantique, c’est-à-dire plusieurs sens possibles.
·         Les mots ont des niveaux de spécificité et d’imprécision [étudiant - Marc-André].
·         Le sens des mots change au travers du temps, des contextes et des relations.
Par exemple, Jésus dans Luc 13:32 dit : « allez, et dites à ce renard ...» en parlant d’Hérode. Que veut-il exactement dire? Veut-il dire qu’Hérode est futé, vicieux, élégant ou méchant?
Donc en bref les études de mots servent à recenser la portée des sens possibles pour un mot, ce qui aidera à identifier le sens et le référent du mot dans le passage du NT qui nous intéresse. De plus, certains mots sont employés différemment par différents auteurs (ex : « justification » par Paul versus Jacques).
Les mots sont un peu comme les pièces d’une partie d’échec, une fois le contexte historique et grammatical bien identifié, les possibilités de sens sont limitées. Donc au lieu de dire « ça veut littéralement dire... » on portera notre attention au contexte et à l’usage particulier du mot.
Tous les mots n’étant pas nés égales, certains valent la peine d’être étudié, tandis que d’autres non. Les mots répétés, les mots théologiques clefs, les termes cruciaux dans le contexte, les mots qui ne sont présents qu’une fois dans le NT, les mots figuratifs et les mots débattus sont ceux qui doivent être étudiés pour bien saisir le sens du texte. 

Laissez-moi vous présentez un exemple d'une méthode pour étudier les mots afin de s'assurer la compréhension de leur apport au passage dans une proportion équilibrée: bien comprendre, sans leur faire dire plus que ce qu'ils veulent dire.
Fait main -- χειροποίητος ???

 Un exemple d’étude de mot dans Éphésiens 2:11
Dans Éphésiens 2:1-10, Paul décrit les changements verticaux entre Dieu et l’humanité résultant de la grâce de Dieu. Dans 2 :11-13, Paul commande aux lecteurs de se souvenir de leur ancienne identité et des privilèges auxquels ils n’avaient pas droit en tant que païens (v.12), afin d’être mis en contraste avec leur présente identité en Christ en tant que peuple de Dieu (v.13). Ce faisant, Paul met la table pour expliquer la réconciliation ethnique des Juifs et des païens à l’intérieur d’une même entité, l’Église (2 :14-22).
Éphésiens 2:11-13 (Darby) : « C’est pourquoi souvenez-vous que vous, autrefois les nations dans la chair, qui étiez appelés incirconcision par ce qui est appelé la circoncision, faite de main [χειροποιήτου - cheiropoetou]  dans la chair, vous étiez en ce temps-là sans Christ, sans droit de cité en Israël et étrangers aux alliances de la promesse, n’ayant pas d’espérance, et étant sans Dieu dans le monde. Mais maintenant, dans le christ Jésus, vous qui étiez autrefois loin, vous avez été approchés par le sang du Christ. »
Donc je décide de m’intéresser à cheiropoetou, terme que Darby a traduit par « faite de main ». Pour m’aider à comprendre l’usage que l’apôtre Paul fait de ce mot, je vais analyser les différentes façons dont ce terme a été utilisé dans la littérature qui précède le NT. Il y a 4 périodes qui nous intéresse :
La période classique (avant 300 BC). Le lexique Lidell-Scott-Jones recense l’utilisation des mots au travers de la littérature grecque ancienne, et en plus il est accessible sur Internet à (http://www.perseus.tufts.edu/hopper/morph?la=greek&l=XEIROPOI%252FHTOS#lexicon). En suivant le lien, vous verriez que les auteurs ont recensés 2 usages principaux ainsi que les endroits dans la littérature grecque où ces mots reviennent. Le sens dans cette période est « fait de main, artificiel » et est antonyme à « naturel ». Par exemple, Hérodote (Les Histoires 1.195, 5e siècle BC) : « chaque homme avait un seau et un bâton taillé ». Le second sens est pour parler d'un feu "intentionnellement allumé". Sans trop passer de temps ici, on notera que dans la période classique, cheiropoetos est un terme dénotant la nature artificielle de quelque chose, résultant de l'homm. Le sens est neutre.
La période Koiné (300 BC à 100 AD). Le grec du NT est appelé koiné (« commun »), parce que suite aux conquêtes d’Alexandre le Grand, le grec se répand autour de la Méditerranée. Parce qu’il devient parlé comme langue secondaire, la langue perd un peu de son haut degré de sophistication. Dans cette période, notre mot ne revient qu’une seule fois dans la littérature (le lexique de Moulton-Miligan est notre source principale - https://archive.org/details/vocabularyofgree00mouluoft). Dans un papyrus commercial du 2e siècle, le terme est utilisé de la façon suivante : « afin qu’ils puissent visiter des œuvres d’arts faits mains sur les banques du Nile... ». Donc notre terme, dans le seul exemple connu de son utilisation durant la période Koiné, conserve son sens de « fait de main ». Le terme est neutre.
La traduction de la Septante (appelée LXX). La LXX est une traduction de la Bible hébraïque en grec koiné, effectué probablement autour de 270 BC par les Juifs d’Alexandrie (Égypte). C’est une source majeure, puisque les auteurs du NT citent la LXX et connaissent son vocabulaire. Ainsi, on peut penser qu’un certain usage d’un mot dans la LXX sera récupéré dans le NT.
Dans la LXX, cheiropoetos signifie quelque chose « fait de main », et dans tous les cas le terme réfère aux faux-dieux et aux idoles.
Le terme revient dans la LXX (1) comme un substantif dans Lév 26:1; 26:30, Wis 14:8, Isa 2:18; 10:11; 16:12; 19:1; 21:9; 31:7; 46:6. Par exemple, Lévitique 26 :1 : « Vous ne vous ferez pas de "faites de mains" [le mot idole est sous-entendu en grec] ».
(2) Une utilisation adjectivale dans Jdt 8:18; Dan 5:4; 5:23; 6:27; Bel 5. Dans Bel et le Dragon 5 : « Parce que je n’honore pas les idoles faites de mains, mais le Dieu vivant ».
(Note : vous avez surement remarqué que les livres apocryphes de Bel et le Dragon, Sagesse de Salomon et Judith sont recensés dans mes données. La raison c’est que ce n’est pas le contenu qui nous intéresse, mais davantage l’utilisation des mots. Donc, ces livres apocryphes sont très pertinents pour notre étude lexicale).
Résumé de l’usage de la Septante : que ce soit comme un substantif ou un adjectif, le terme cheiropoetos est utilisé dans tous les cas pour décrire la naturelle artificielle des dieux et des idoles, soulignant leur origine « humaine » et ainsi leur fausseté. L’usage du mot est toujours négatif, et même très négatif puisqu’il décrit les cultes anti-YHWH.
 Nouveau Testament
En dehors de Paul, le terme se retrouve dans Marc 14:58; Actes 7:48; 17:24 et Héb 9:11; 9:24. Le sens est « fait de main », et est utilisé pour accentuer le contraste entre ce que Dieu produit et ce que l’homme produit. Citons Marc 14:58 : « Nous l'avons entendu dire: Je détruirai ce temple fait de main d'homme, et en trois jours j'en bâtirai un autre qui ne sera pas fait de main d'homme » et Héb 9 :24 : « Car Christ n'est pas entré dans un sanctuaire fait de main d'homme ».
Paul n’utilise pas le terme hors de Eph 2 :11 et dans ce cas unique il l’utilise pour signifier  « fait de main ».
Sommaire de l’usage du NT : Le sens est « fait de main », et est confiné à des exemples qui contraste la nature « faite par l’homme » (inférieure) de la religion par rapport à ce qui vient de Dieu (ex : la destruction du temple par Jésus et sa reconstruction en 3 jours). Inversement à la LXX, le terme n’est pas utilisé en référence à des idoles ou à des faux dieux, néanmoins il y a une affirmation claire que le « fait de main » est inférieure en contraste à ce qui vient de Dieu (le temple d’Hérode vs le temple de Jésus).
Signification et importance pour l’étude d’Éphésiens 2 :11 : alors que Paul souligne la condition préalable des Éphésiens, il déclare qu'ils ont été appelés "incirconcis" par les "circoncis par des mains humaines," à savoir les Juifs. En accord avec l'utilisation de ce mot dans le NT, je soutiens que l'apôtre raille la circoncision des Juifs en mettant au premier plan le fait qu'elle est d'origine humaine, et donc inférieure à ce qui est maintenant obtenu par le sang de Christ (v . 12-13). Puisque le terme dans la LXX désigne idoles, Paul pourrait aussi être entrain de faire une petite polémique sur la façon dont certains Juifs s’accrochent à la circoncision de la même façon dont certains Juifs de l’Ancien Testament s’accrochaient aux idoles en raison de l'usage de la LXX.

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Quelques nouvelles et requêtes de prière :
Crédit photo: Scott Bankhead
Cette semaine c’est la World Evangelization Conference (« Conférence sur l’évangélisation mondiale »). Le conférencier c’est Christopher Wright, un auteur d’une grande qualité et le président du Langham partnership, un organisme dédié à la distribution de matériels théologiques dans les pays non-Occidentaux et à l’éducation théologique des leaders des églises des pays non-Occidentaux (ils distribuent des bourses). Il va y avoir des organismes missionnaires sur le campus, des missionnaires de carrière et toutes sortes de choses vraiment trippantes pour n’importe quelle personne qui est excitée à l’idée d’avoir le privilège d’apporter le plus grand message qui soit dans un contexte interculturel. D’ailleurs, la semaine passée dans un diner-conférence, un pasteur iranien a dit qu’il entrevoyait que l’Iran pourrait devenir le premier pays qui passe de l’Islam au Christianisme, puisque selon lui la croissance de la foi en Iran est tout simplement spectaculaire, en dépit des persécutions. Donc vous pouvez comprendre que ce sera un privilège pour moi d’interagir avec ce genre de monde durant la semaine!
Après quoi, ce sera mon Spring Break, qui sera consacré à la rédaction de travaux.
Tous les cours ont encore été annulés ce jeudi à cause qu’il faisait -3 et qu’il y avait de la neige!
  • Comme vous pouvez voir à < http://www.campbrochet.com/?page_id=57 >, je serai conférencier au Camp Brochet pour la fin de semaine 18+. Vous pouvez prier pour que je puisse savoir être un outil propre, efficace et édifiant pour Dieu lors de cette fin de semaine.
  • La discipline, l’acuité mentale et la passion pour mes études.
  • L’humilité, l’esprit de service et le reniement de moi-même. Je sais que vous avez prié pour l’humilité. Il y a juste trop de choses qui convergent dans le même sens pour que vos prières justes n’aient pas été entendues. Merci.
  • Évangélisation les samedi après-midi avec City Church International.
Je vous remercie de me lire, de me supporter, de m’encourager, de me financer et de prier pour moi. Il n’y a rien que j’ai qui ne m’a pas été donné dans la vie (et ainsi en est-il pour chacun d’entre nous), et cette opportunité m’est donnée par vous, ce pourquoi je vous remercie encore!
En Christ,
Marc-André, qui vous souhaite une bonne semaine.

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