dimanche 12 avril 2015

Les bénéfices de lire des classiques (et des livres étranges)



J’ai 9 crédits à prendre à l’intérieur des départements des « ministères et des communications » (l’intention pédagogique étant que l’on sache faire autres choses que de dire « ben dans le grec... »). Donc ce semestre j’ai pris un cours dans ces départements, lequel cours est intitulé « lectures en spiritualité chrétienne ». J’ai dit à mon âme : « mon âme, voici une opportunité fantastique de faire des réflexions pertinentes tout en lisant des grands classiques de l’histoire de l’Église. »
Le syllabus incluait les Confessions de Saint-Augustin (400 AD), la Règle de Saint-Benoît (530 AD), l’Imitation du Christ de Thomas à Kempis (1418 AD), une collection d’écrits de Jean Calvin (mi-16e siècle), Vivre en disciple: Le prix de la grâce de Dietrich Bonhoeffer (1937), et Letters to Malcom de C.S. Lewis (mi-20e siècle).

François et le Loup - Rubio
À cela, j’ai sélectionné la Règle pastorale de Grégoire le Grand (591 AD), les Conférences de Jean Cassien (426 AD), les petites fleurs de saint François d’Assise (un recueil d’anecdotes et d’histoires sur François d’Assise rédigé plus de 250 ans après sa mort, circa 1300) et la Nuit obscure de Jean de la Croix (1584 AD).
Certains de ces ouvrages sont carrément bizarres, le plus intense étant sans conteste les petites fleurs, où saint François, entre deux apparitions de la vierge, prêche aux oiseaux et convertit un loup particulièrement agressif.
Ces ouvrages sont aussi en dehors de ma tradition chrétienne et sont séparées de moi par un fossé culturel et temporel majeur. En dépit de tout cela, ces lectures furent vraiment éclairantes: (1) parce qu'elles t'enseignent comment ton propre cœur fonctionne et (2) parce que ces livres t'éveillent à différentes façons dont les Écritures ont été comprises et vécues, et t'informent ainsi sur tes propres angles morts.
La grammaire du cœur
Les circonstances de ma vie n’ont rien en commun avec Augustin (354-430 AD), un rhétoricien ayant vécu au 5e siècle en Algérie. Sa langue est différente, son univers religieux est différent, son éducation est différente, et il a vécut il y a 1500 ans... bref tout est différent. Mais malgré tout ce qui nous sépare, quand j’ai lu les Confessions j’ai eu l’impression de lire mon propre journal intime. Augustin décrit avec une telle précision ce qui est à l’œuvre dans son cœur que tu te sens à ton tour découvert. En un sens, quand tu le lis, c’est comme un cours de grammaire sur les règles du cœur. Alors qu’Augustin livre son âme au lecteur, le lecteur se découvre lui-même, parce que les voies tortueuses du cœur et ses affections désordonnées sont partagées par toute l’humanité. Tu le lis décrire pourquoi il volait des poires pour le simple plaisir de voler, puis tu te dis « oui c’est ça ! ». Je cite un passage où il parle des habitudes :

Ainsi, le fardeau du siècle pesait sur moi comme le doux accablement du sommeil; et les méditations que j’élevais vers vous ressemblaient aux efforts d’un homme qui veut s’éveiller, et vaincu par la profondeur de sou assoupissement, y replonge. Et il n’est personne qui veuille dormir toujours, et la raison, d’un commun accord, préfère la veille; mais souvent on hésite à secouer le joug qui engourdit les membres, et l’ennui du sommeil cède au charme plus doux que l’on y trouve, quoique l’heure du lever soit venue; ainsi je ne doutais pas qu’il ne voulût mieux me livrer à votre amour que de m’abandonner à ma passion. Le premier parti- me plaisait, il était vainqueur; je goûtais l’autre, et j’étais vaincu. Et je ne savais que répondre à votre parole: « Lève-toi, toi qui dort Lève-toi d’entre les morts, et le Christ t’illuminera (Ephés. V, 14)! » Et vous m’entouriez d’évidents témoignages; et convaincu de la vérité, je n’avais à vous opposer que ces paroles de lenteur et de somnolence: « Tout à l’heure! encore un instant ! laissez-moi un peu! » Mais ce tout à l’heure devenait jamais; ce laissez-moi un peu durait toujours.
Conversion de Saint-Augustin - Fra Angelico


Les classiques que j’ai lus cette session avaient en commun cette capacité à mettre le doigt sur les processus de la vie intérieur. Lire ces gens et les voir se comprendre t’amène aussi à te comprendre, puisqu’après tout, nous avons tous le même problème, le même cœur.


S’éveiller à ses propres angles morts
Aucun des classiques que j’ai lu ne sont de ma tradition théologique. Par exemple, les Conférences sont les conclusions de Cassien sur la vie monastique après avoir vécu avec la première génération de moines du désert dans un isolement extrême en Égypte. Donc vous pouvez comprendre que sa compréhension du Christianisme et sa lecture des Saintes Écritures est légèrement différente de la mienne. Sans nécessairement être d’accord avec tout ce qui se dit dans certains de ces ouvrages, ils avaient la vertu de m’éveiller à des choses que j’ai toujours ignoré dans les Écritures. Des choses comme le jeûne, la soumission, l’obéissance et la communauté.
Je donne l’exemple le plus extrême pour l’effet comique. Les petites fleurs est un livre extrêmement bizarre (et que je ne recommanderais pas pour quelqu’un qui n’est pas ferré en théologie biblique) et qui représentent la piété catholique du moyen âge tardif (en d’autres mots, le contexte superstitieux où la Réforme protestante a germé).
À un certain moment, Saint-François est jaloux dans son cœur de l’étroite communion avec Dieu dont frère Bernard jouit dans la prière. Donc Saint-François, étant l’abbé de son ordre, a le pouvoir de commander n’importe quoi à ses frères puisqu’il sait ce qui doit être fait pour leurs soins spirituels. Alors afin de se soigner de l’orgueil de son propre cœur, Saint-François commande à frère Bernard de le fouler de ses pieds à trois reprises sur la gorge et la bouche, et aussi de le réprimander à chaque fois qu’il le verrait jusqu’à la fin de sa vie de son orgueil et de ses pensées méchantes. Alors, frère Bernard, étant obligé à cause de son vœu monastique, doit obéir à Saint-François et alors il le foule des pieds trois fois sur la gorge.
Nous sommes tous d’accord pour dire que cette histoire est complètement absurde et ne fait aucun sens avec une théologie biblique. Mais l’histoire m’a piqué dans un coin sensible. D’abord, il est intéressant d’observer comment ils ont pris le thème biblique de l’obéissance et de la soumission et qu’ils en ont fait quelque chose d’absolument extrême, de carrément malsain. Ça soulève la question suivante: est-ce davantage « hérétique » de vivre ce thème comme Saint-Francois, ou encore de l’ignorer complètement comme j’ai un peu l’impression dont c’est le cas dans ma vie? En d’autres mots, l’application différente des Écritures par d’autres chrétiens de d’autres époques t’éveillent à tes propres angles morts, à tes « hérésies favorites. » Et c'est définitivement enrichissant de voir comment les écritures ont été comprises différemment.

Quelques nouvelles et requêtes de prière 
-J’ai reçu la correction de mon premier travail exégétique sur Éphésiens 2 :11-22 (un genre de 15,000 mots très technique). J’ai extrêmement bien réussi et je suis encouragé pour la suite.
-Je serai au Québec du 2 au 9 mai.
-J’ai encore vraiment beaucoup de travail à faire, mais j’ai suffisamment de temps pour tout accomplir avec grand soins. Il faut cependant que je demeure bien concentré et productif.
-Je commence à regarder sérieusement pour les options de stage lors de l’été 2016 au Québec. Plusieurs options se présentent.
Requêtes: (1) contacts d’évangélisation à Dallas, (2) acuité intellectuelle, disciple et passion, (3) que je puisse grandir en sagesse, en service et en humilité, et (4) choix de mon stage pour l’été 2016, (5) préparation personnelle pour la prédication lors de la fin de semaine de jeunes adultes au Camp Brochet en août.  

Merci beaucoup de me lire, de me supporter et de m’encourager. Je suis infiniment reconnaissant envers vous qui me permettez d’être ici. L’Église est en Christ une famille d’adoptées et vous êtes de vrais frères et de vrais sœurs pour moi de par votre support incroyable. Je remercie Dieu pour chacun d’entre vous et votre support me donne à mon tour une motivation indéfectible.
Si vous voulez m’écrire, corriger mes fautes de français, me poser une question ou autres, vous êtes bienvenus!
Marc-André Caron

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