J’ai 9
crédits à prendre à l’intérieur des départements des « ministères et des
communications » (l’intention pédagogique étant que l’on sache faire autres
choses que de dire « ben dans le grec... »). Donc ce semestre
j’ai pris un cours dans ces départements, lequel cours est intitulé « lectures
en spiritualité chrétienne ». J’ai dit à mon âme : « mon
âme, voici une opportunité fantastique de faire des réflexions pertinentes tout
en lisant des grands classiques de l’histoire de l’Église. »
Le syllabus
incluait les Confessions de Saint-Augustin (400 AD), la Règle de
Saint-Benoît (530 AD), l’Imitation du Christ de Thomas à Kempis
(1418 AD), une collection d’écrits de Jean Calvin (mi-16e siècle), Vivre en
disciple: Le prix de la grâce de Dietrich Bonhoeffer (1937), et Letters
to Malcom de C.S. Lewis (mi-20e siècle).
François et le Loup - Rubio |
À cela, j’ai
sélectionné la Règle pastorale de Grégoire le Grand (591 AD), les
Conférences de Jean Cassien (426 AD), les petites fleurs de saint
François d’Assise (un recueil d’anecdotes et d’histoires sur François
d’Assise rédigé plus de 250 ans après sa mort, circa 1300) et la Nuit
obscure de Jean de la Croix (1584 AD).
Certains de
ces ouvrages sont carrément bizarres, le plus intense étant sans conteste les
petites fleurs, où saint François, entre deux apparitions de la vierge,
prêche aux oiseaux et convertit un loup particulièrement agressif.
Ces ouvrages
sont aussi en dehors de ma tradition chrétienne et sont séparées de moi par un fossé
culturel et temporel majeur. En dépit de tout cela, ces lectures furent
vraiment éclairantes: (1) parce qu'elles t'enseignent comment ton propre cœur fonctionne et (2) parce que ces livres t'éveillent à différentes façons dont les Écritures ont été comprises et vécues, et t'informent ainsi sur tes propres angles morts.
La grammaire du cœur
Les
circonstances de ma vie n’ont rien en commun avec Augustin (354-430 AD), un
rhétoricien ayant vécu au 5e siècle en Algérie. Sa langue est différente, son
univers religieux est différent, son éducation est différente, et il a vécut il
y a 1500 ans... bref tout est différent. Mais malgré tout ce qui nous sépare,
quand j’ai lu les Confessions j’ai eu l’impression de lire mon propre
journal intime. Augustin décrit avec une telle précision ce qui est à l’œuvre
dans son cœur que tu te sens à ton tour découvert. En un sens, quand tu le lis,
c’est comme un cours de grammaire sur les règles du cœur. Alors qu’Augustin
livre son âme au lecteur, le lecteur se découvre lui-même, parce que les voies
tortueuses du cœur et ses affections désordonnées sont partagées par toute
l’humanité. Tu le lis décrire pourquoi il volait des poires pour le simple
plaisir de voler, puis tu te dis « oui c’est ça ! ». Je cite un
passage où il parle des habitudes :
Ainsi, le fardeau du
siècle pesait sur moi comme le doux accablement du sommeil; et les méditations
que j’élevais vers vous ressemblaient aux efforts d’un homme qui veut
s’éveiller, et vaincu par la profondeur de sou assoupissement, y replonge. Et
il n’est personne qui veuille dormir toujours, et la raison, d’un commun
accord, préfère la veille; mais souvent on hésite à secouer le joug qui engourdit
les membres, et l’ennui du sommeil cède au charme plus doux que l’on y trouve,
quoique l’heure du lever soit venue; ainsi je ne doutais pas qu’il ne voulût mieux
me livrer à votre amour que de m’abandonner à ma passion. Le premier parti- me
plaisait, il était vainqueur; je goûtais l’autre, et j’étais vaincu. Et je ne savais
que répondre à votre parole: « Lève-toi, toi qui dort Lève-toi d’entre les morts,
et le Christ t’illuminera (Ephés. V, 14)! » Et vous m’entouriez d’évidents témoignages;
et convaincu de la vérité, je n’avais à vous opposer que ces paroles de lenteur
et de somnolence: « Tout à l’heure! encore un instant ! laissez-moi un peu! »
Mais ce tout à l’heure devenait jamais; ce laissez-moi un peu durait toujours.
Conversion de Saint-Augustin - Fra Angelico |
Les
classiques que j’ai lus cette session avaient en commun cette capacité à mettre le
doigt sur les processus de la vie intérieur. Lire ces gens et les voir se
comprendre t’amène aussi à te comprendre, puisqu’après tout, nous avons tous le
même problème, le même cœur.
S’éveiller à ses propres
angles morts
Aucun des
classiques que j’ai lu ne sont de ma tradition théologique. Par exemple, les
Conférences sont les conclusions de Cassien sur la vie monastique après
avoir vécu avec la première génération de moines du désert dans un isolement
extrême en Égypte. Donc vous pouvez comprendre que sa compréhension du
Christianisme et sa lecture des Saintes Écritures est légèrement différente de
la mienne. Sans nécessairement être d’accord avec tout ce qui se dit
dans certains de ces ouvrages, ils avaient la vertu de
m’éveiller à des choses que j’ai toujours ignoré dans les Écritures. Des choses
comme le jeûne, la soumission, l’obéissance et la communauté.
Je donne
l’exemple le plus extrême pour l’effet comique. Les petites fleurs est
un livre extrêmement bizarre (et que je ne recommanderais pas pour quelqu’un
qui n’est pas ferré en théologie biblique) et qui représentent la piété
catholique du moyen âge tardif (en d’autres mots, le contexte superstitieux où
la Réforme protestante a germé).
À un certain
moment, Saint-François est jaloux dans son cœur de l’étroite communion avec
Dieu dont frère Bernard jouit dans la prière. Donc Saint-François, étant l’abbé
de son ordre, a le pouvoir de commander n’importe quoi à ses frères puisqu’il
sait ce qui doit être fait pour leurs soins spirituels. Alors afin de se
soigner de l’orgueil de son propre cœur, Saint-François commande à frère
Bernard de le fouler de ses pieds à trois reprises sur la gorge et la bouche, et aussi de le réprimander à chaque fois qu’il le verrait
jusqu’à la fin de sa vie de son orgueil et de ses pensées méchantes. Alors,
frère Bernard, étant obligé à cause de son vœu monastique, doit obéir à
Saint-François et alors il le foule des pieds trois fois sur la gorge.
Nous sommes
tous d’accord pour dire que cette histoire est complètement absurde et ne fait
aucun sens avec une théologie biblique. Mais l’histoire m’a piqué dans un coin
sensible. D’abord, il est intéressant d’observer comment ils ont pris le thème
biblique de l’obéissance et de la soumission et qu’ils en ont fait quelque
chose d’absolument extrême, de carrément malsain. Ça soulève la question suivante:
est-ce davantage « hérétique » de vivre ce thème comme
Saint-Francois, ou encore de l’ignorer complètement comme j’ai un peu
l’impression dont c’est le cas dans ma vie? En d’autres mots, l’application
différente des Écritures par d’autres chrétiens de d’autres époques t’éveillent
à tes propres angles morts, à tes « hérésies favorites. » Et c'est définitivement enrichissant de voir comment les écritures ont été comprises différemment.
Quelques nouvelles et
requêtes de prière
-J’ai reçu la
correction de mon premier travail exégétique sur Éphésiens
2 :11-22 (un genre de 15,000 mots très technique).
J’ai extrêmement bien réussi et je suis encouragé pour la suite.
-Je serai au
Québec du 2 au 9 mai.
-J’ai encore
vraiment beaucoup de travail à faire, mais j’ai suffisamment de temps pour tout
accomplir avec grand soins. Il faut cependant que je demeure bien concentré et
productif.
-Je commence
à regarder sérieusement pour les options de stage lors de l’été 2016 au Québec.
Plusieurs options se présentent.
Requêtes: (1)
contacts d’évangélisation à Dallas, (2) acuité intellectuelle, disciple et passion,
(3) que je puisse grandir en sagesse, en service et en humilité, et (4) choix
de mon stage pour l’été 2016, (5) préparation personnelle pour la prédication
lors de la fin de semaine de jeunes adultes au Camp Brochet en août.
Merci
beaucoup de me lire, de me supporter et de m’encourager. Je suis infiniment
reconnaissant envers vous qui me permettez d’être ici. L’Église est en Christ
une famille d’adoptées et vous êtes de vrais frères et de vrais sœurs pour moi
de par votre support incroyable. Je remercie Dieu pour chacun d’entre vous et
votre support me donne à mon tour une motivation indéfectible.
Si vous
voulez m’écrire, corriger mes fautes de français, me poser une question ou
autres, vous êtes bienvenus!
Marc-André
Caron
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