dimanche 19 avril 2015

Sur la connaissance de Dieu et de soi-même

Sur la connaissance de Dieu et de soi-même

 
Jean Calvin (1509-1564)


Je suis candidat à la «maitrise en théologie». Est-ce possible d’être plus présomptueux que d’avoir le grade de «maitre en théologie»?
L’un des premiers cours à prendre à DTS c’est «introduction à la théologie» où l’on parle de la «méthode théologique», des sources, des méthodes d’interprétation, etc. Tout ça c’est du très bon stock. Mais vous pouvez comprendre que tout ça a le potentiel de dégénérer... il y a quelque chose qui pue quand la connaissance de Dieu devient quelque chose de déconnecté.
Cette semaine j’ai lu dans l’Institution de la religion chrestienne de Jean Calvin, l’un des documents principaux de la Réforme protestante, dont la dernière édition est parue en 1559.
Les deux premiers chapitres de l’Institution sont une leçon pour quiconque prétend «faire de la théologie» ou désire en apprendre sur Dieu. Calvin écrit son ouvrage en réaction au contexte de la théologie scholastique médiévale, où certains auteurs partaient d’un point de départ donné (comme la nécessité de l’existence de Dieu) et procédait ensuite à toutes sortes de déductions, ce qui transformait souvent la théologie en des «frivoles spéculations».
Le premier tome de l’Institution porte sur «Dieu le Créateur et souverain Gouverneur du monde.» Mais le titre n’est pas «Dieu le Créateur ...», mais «Connaitre Dieu le Créateur ...». Dès les premiers mots, Calvin efface l’idée selon laquelle on pourrait parler directement de Dieu. Dieu n’est pas un rat que l’on peut disséquer. On peut parler de la connaissance de Dieu, mais «parler de Dieu» à proprement dit c’est de mal connaitre le fossé infranchissable qui nous sépare de lui. C’est seulement dans la mesure où l’on réalise qu’on ne peut pas parler directement du «Dieu Créateur» que nous avons un point de départ convenable.
Premier chapitre : sur la connaissance de Dieu et de soi-même
Calvin commence son ouvrage ainsi :  
Toute la somme presque de nostre sagesse [...] vraye et entière est située en deux parties : c'est qu'en cognoissant Dieu, chacun de nous aussi se cognoisse.
Toute sagesse vraie et entière se résume en la connaissance de Dieu et de nous-mêmes. La connaissance de Dieu, parce que «nul ne peut se contempler et s’empêcher de tourner ses sens au regard de Dieu, de qui l’Homme vit et a sa vigueur.» Il poursuit plus loin «D’avantage, par les biens qui distillent du ciel sur nous goutte à goutte, nous sommes conduits par petits ruisseaux à la fontaine.» La fontaine de toutes les bontés étant Dieu.
Puis Calvin poursuit en disant que «l’infinité de tous biens qui réside en Dieu» nous pousse à réaliser «ceste malheureuse ruine en laquelle nous sommes trébuschez par la révolte du premier homme, nous contraint de lever les yeux en haut, non seulement pour désirer de là les biens qui nous défaillent, comme povres gens vides et affamez, mais aussi pour estre esveillez de crainte, et par ce moyen apprendre que c’est d’humilité».
Pour Calvin, le point de départ de celui qui veut connaitre Dieu c’est la misère humaine. C’est seulement à partir du moment où l’humain réalise sa misère et son péché et qu’il est investit d’une humilité cohérente à sa position, qu’il possède le point de vue propre à aspirer à la connaissance de Dieu. La seule façon de parler de la vraie connaissance de Dieu, c’est à genoux, visage contre terre, et d’humblement lever les yeux vers le ciel. L’humilité est la seule posture de la vraie connaissance de Dieu. Calvin n’est pas amusé en parlant de la misère, et il ne fait pas seulement que dispenser de l’information, mais son but est d’affirmer que la misère de l’un est aussi son opportunité de contempler la bonté de Dieu et la nécessité de se souvenir de notre perpétuelle besoin de Lui.
Deuxième chapitre : « Ce que c’est de cognoistre Dieu, et à quelle fin tend ceste cognoissance.»
Le deuxième chapitre établit le but de l’Institution : la formation de la piété.
«Or j’enten que nous cognoissons Dieu, non pas que nous nous entendons qu’il y a quelque Dieu : mais quand nous comprenons ce qu’il nous appartient d’en comprendre [ce qui est notre intérêt], ce qui est utile pour sa gloire [...]. Car à parler droitement nous ne dirons pas que Dieu soit connu là où il n’y a nul religion ni piété.» Dieu n’est pas connu là où il n’y a pas d’amour, de compassion, de justice, etc.
Calvin explique ensuite qu’il est nécessaire de connaitre Dieu doublement : comme Créateur et comme Rédempteur en Christ. Il poursuit : «toutesfois il ne suffira point de sçavoir en confus qu’il y ait quelque Dieu qui mérite d’estre seul adoré, si nous ne sommes aussi persuadez et résolus que le Dieu que nous adorons est la fontaine de tous bien, afin de ne rien chercher hors lui.»
Puis encore : «car le sentiment des vertus de Dieu, est le seul bon maistre et propre pour nous enseigner piété, de laquelle la religion procède. J’appelle Piété, une révérence et amour de Dieu conjointes ensemble, à laquelle nous sommes attirez, cognoissans les biens qu’il nous fait.»
Calvin avance que la piété n’amène pas à la connaissance de Dieu, mais précisément l’inverse, que la connaissance de Dieu est connaissance de Dieu seulement dans la mesure où elle mène à la piété.
Calvin poursuit en condamnant les vaines curiosités sur Dieu : «Parquoy ceux qui s’appliquent à décider ceste question [la connaissance de Dieu], asçavoir que c’est que Dieu [quel est l’essence de Dieu?], ne font que se jouer en spéculations frivoles. » Il poursuit : «De mesmes de quoy servira-il de cognoistre un Dieu, avec lequel nous n’ayons que Faire? Plustost la cognoissance que nous avons de luy, doit en premier lieu nous instruire à le craindre et révérer : puis nous enseigner et conduire à chercher de luy tous biens, et luy en rendre la louange
Calvin n’est pas un fan de «faire de la théologie» ou de s’adonner à des abstractions de l’esprit et à des spéculations frivoles. Il se contente de connaitre de Dieu le caractère qu’il a lui-même révélé dans sa Parole.
Si l'on peut parler de Dieu comme on peut parler d'une table, alors celui dont on parle n’est surement pas Dieu. Il s’ensuit que de souligner le fossé entre les perfections de Dieu à notre «nudité découverte avec grand’honte» permet de mettre le «théologien» à sa place. En outre, cela me guide à l'humilité, car je me prononce sur un sujet infiniment plus élevé que moi. Ça m’amène aussi à considérer que si j’enseigne la connaissance de Dieu d’une façon dont les gens ne sont pas capables de voir en quoi ceci change le 9 à 4, et bien que je procède de façon erronée. Enfin, ça m’encourage à conduire mes études avec un cœur d’adoration, avec l'intention d’être à toujours transformé par ma connaissance croissante de Dieu. Si il n'y a pas d'obéissance découlant de ma nouvelle connaissance de Dieu, alors il n’y a jamais eu vraie connaissance de Dieu, et je n’ai pas acquis la connaissance de Dieu, mais quelque chose de tout autre. Ce qui est absolument vain.  
Je suis peut-être candidat à la maitrise en théologie, mais en réalité je ne fais que babiller.

Les Épicuriens et Stoïciens appellent Paul un "spermologos" dans Actes 17:18 quand il parle de la résurrection. C'est l'idée d'un oiseau ramasseurs de graines, un "babilleur." Sans le savoir, peut-être qu'ils tenaient un point. Il vaut cependant mieux babiller sur Dieu avec humilité selon ce qu'il a laissé connaitre, que de le blasphémer en retenant la vérité captive et en se prononçant Dieu soi-même. 
[-Il n’y a rien de vraiment mal avec le terme théologie. C’est un mot utile. Il devient pernicieux quand ça devient un jeu spéculatif assaisonné d’arrogance.
Si vous voulez lire l’Institution de Jean Calvin, l’ouvrage est libre de droit et téléchargeable sur Internet. Si le français classique ne vous tente pas, vous pouvez acheter une version anglaise qui sera plus accessible (pourvu que vous lisiez l’anglais...). Confession : je m’aide avec ma traduction anglaise de l’Institution pour comprendre certaines phrases).]

Quelques nouvelles et requêtes de prière
Il me reste 13 jours avant de prendre l’avion pour le Saguenay et une production scolaire très importante à produire d’ici là. Je vais avoir le temps de tout bien faire, mais ce sera vraiment serré. Je vais très bien cependant, je suis en forme, productif et je compose bien avec mon peu de sommeil. Je travaille présentement sur mon deuxième projet exégétique sur un passage assez palpitant, Éphésiens 5:22-33 (v. 21-22 « ... vous soumettant les uns aux autres dans la crainte de Christ, les femmes à leurs maris comme au Seigneur ». Sensible, mais palpitant. AH ! Fouillez les écritures, c’est laisser ses conceptions de côté. Tu laisses à la porte ton idée des relations hommes-femmes, que ce soit l’autoritarisme, le patriarcat, l’égalitarisme, ou n’importe quel -isme. Le message de la Bible est incroyablement pertinent. Je suis tout simplement fasciné par mes investigations des derniers jours.
Je ne pense pas que je ferai de blog la semaine prochaine (j’aurai besoin du temps pour clore la semestre) et la semaine d’après (je serai au Québec). Si vous avez des questions, des requêtes ou vous voulez échanger, évidemment je serais heureux d’être en contact avec vous.
Requêtes : (1) endurance, persévérance, productivité, concentration et acuité intellectuelle dans ces derniers 13 jours du semestre; (2) que je puisse acquérir « la vraye cognoissance de Dieu » qui « doit nous instruire à le craindre et révérer : puis nous enseigner et conduire à chercher de luy tous biens, et luy en rendre la louange.»; (3) choix d’un stage pour l’été 2015 et sagesse dans mes décisions.
Merci beaucoup de me lire, de me supporter financièrement et de prier pour moi. Je vous souhaite une bonne semaine.

Marc-André Caron

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire