dimanche 12 juillet 2015

La fois où j’voulais pas aider un sans-abri pour écrire une prédication sur Jésus et les marginaux

Cette histoire est d’une banalité incroyable, mais elle démontre que le péché (un synonyme pas tout à fait exact pourrait être « égoïsme ») est une chose réelle.
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La semaine passée, après la réunion du dimanche matin à City Church International, je retourne en marchant vers mon appartement comme à l’habitude. Je passe comme devant la même gagne de sans-abris. Je m’arrête pour jaser quelques minutes avec eux, parce que ce serait assez incohérent de prier Dieu à l’église et de le mépriser en levant le nez sur des SDF.
On jase de pleins de choses. Alors que je m’apprête à quitter, Paul me dit « pourrais-tu ramener du ragoût de bœuf en conserves? » 
J’ai juste mes clefs dans mes poches et si je dois faire un aller-retour entre mon appartement et l’épicerie pour aller chercher mon porte-monnaie, ça va me prendre au moins 1 heure. 
En plus, les SDF me tombent vraiment sur les nerfs. Ils sont manipulateurs, exigeants et ils te citent la Bible à tour de bras pour attiser ta sympathie. Particulièrement Paul et sa gagne. Ils font juste boire de la bière cheap à longueur de journée dans le même coin délabré. Je ne veux pas me faire manipuler. Je me respecte trop pour ça. Donc je lui dis :
 « Malheureusement, je n’ai pas mon porte-monnaie sur moi. Mais tu sais Paul, à Dallas tu peux manger à tous les repas gratuitement dans les centres d’aide. Es-tu allé hier à la distribution de nourriture qu’il y a tous les samedis matin à CCI?  Je ne reviendrai pas ici aujourd’hui. Je rapporterai probablement quelque chose samedi prochain. Bye. »
Tsé comprenez moi! En plus, j’ai vraiment besoin de tout mon temps pour écrire ma série de prédications pour le Camp Brochet 18+ où je vais parler de comment Jésus s’était formé des disciples en étendant son amour pour les gens marginaux et les pécheurs.
Donc avec ces convaincantes défaites en tête, je reviens à mon appartement, je pisse dans ma toilette immaculée, je me fais un café et je prend le temps de me rafraichir avec mon air climatisé après avoir marché un gros 15 minutes dehors.
Ensuite, je vais dans mon lieu d’étude, et je commence à lire la Bible en vue de préparer mes prédications. La Bible se met à m'attaquer. Je me met en colère parce que ce n’est pas vrai que je vais me faire manipuler par ce fainéant de sans-abri là! C’est pas vrai que je vais prendre 45 minutes de mon temps pour faire un aller-retour à l’épicerie puis aller porter du ragoût dans le coin le plus ghetto de Dallas! J’ai besoin de tout ce temps là pour écrire ma série de prédications sur ce que veut dire porter sa croix chaque jour et de suivre Jésus même lorsqu’aimer te coûte et te désavantage.
Je fais les 100 pas dans mon appartement en maugréant ma colère pendant 30 minutes. Y’a rien qui y fait ma conscience ne démord pas.
C’est avec les poings fermés et les dents serrés que je me met en route vers l’équivalent du Dollarama pour lui acheter son ragoût de bœuf. Mais Marc-André, tu achèterais vraiment à un sans-abri un ragoût que tu ne mangerais pas toi-même? Je suis à ce moment en face de El Rancho, l’épicerie mexicaine qui coûte plus cher que celle où je vais d’habitude. J’y entre. 10$ plus tard, j’ai du ragoût et des bouteilles d’eau. Tsé, les SDF devraient savoir que mes finances sont vraiment serrées!  
Je fais mon chemin en pensant à mes coups de soleil. Tsé, j’ai des coups de soleil! C’était vraiment inconvenant de ta part Paul de me demander de revenir... pense à ma peau un peu!
Depuis la première seconde de tout ceci je sais à quel point c’est ridicule et incohérent. Mais j’ai quand même de l’hésitation entre crier ma colère à Dieu pour les poignards qu’il me plante dans la conscience, ou l’implorer qu’il me donne de l’amour pour que je sois moins une crapule et que j’acquiesce la dignité humaine chez tous et toutes.
J’arrive dans leur coin. Il est 12:30 et ils sont déjà assez saouls. Ils sont faciles à mépriser et difficiles à aimer. Je leur donne les bouteilles d’eau et le ragoût canné. Je veux que ça finisse le plus vite possible. Randy me dit : « merci, c’est vraiment gentil de ta part de faire ça. » Et là dans ma tête je me dis... « écoute Randy ça me tentait vraiment pas » mais je finis par dire avec le trémolo dans la voix « et bien... j’écris une série de prédications présentement... et si je dois parler de la Bible, autant bien la mettre en pratique. » Je ne sais pas pourquoi je lui ai confessé ça, mais c’était comme si il fallait que j’avoue à mon père que j’avais bossé son camion. Peut-être que c’est parce que je confessais à mon Père que j’avais méprisé sa création. Je rend grâce pour la nourriture, je prie que Dieu brise les chaînes de leurs addictions, et je leur souhaite un bon dimanche. Ils boivent [de l’eau, cette fois], reconnaissants.
La dureté de mon cœur est un problème majeur. Cette histoire là est tellement banale. Mais elle illustre bien comment le cœur, derrière des remarques sensées et rationnelles, a mille voies tortueuses pour se donner la licence de se complaire dans l’amour du moi; par inversion le mépris de l’autre. La seule chose qui m’importe, c’est moi-même. Mon planning, mes objectifs à accomplir, mon argent, ma gloire, ma réputation, mon temps. J’espère que Dieu va me briser, va me donner un cœur tendre. Je suis reparti de là le plus rapidement que j’ai pu, mais le cœur léger.
Salut à tous les enseignants, les éducateurs, les infirmières, les travailleurs sociaux, les parents et les intervenants de toutes tranches! 

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Quelques nouvelles et requêtes de prière
-Dans moins d’un mois je prend l’avion pour le Québec. Il me reste encore beaucoup de travail pour boucler ma session. Ce sera des efforts soutenus.
-Mon étude des textes que je développe pour le CB 18+ est presque terminée. La semaine prochaine je commencerai à écrire les prédications.
-J’ai toutes mes finances pour payer mes frais de scolarité pour la session d’automne, gloire à Dieu.
-Requêtes : (1) Grandir en grâce, en service et en humilité, (2) acuité intellectuelle, concentration, discipline, (3) préparation pour le CB 18+, (4) stage au Québec été 2015.
Je vous remercie de votre soutien spirituel, moral et financier. Il n’y a pas beaucoup d’étudiants l’été sur le campus du séminaire, mais je ne suis pas seul parce que je me sais soutenu par ma famille du Québec. C’est un privilège d’être redevable à vous.
Je vous souhaite un bon dimanche,

Marc-André Caron

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